La mise en pratique d’un programme de soin par thérapie miroir s’articule autour de 4 grandes étapes que nous détaillerons par la suite. Néanmoins, en fonction de la pathologie et des spécificités de chaque patient, il est possible de passer plus ou moins de temps sur certaines étapes par rapport aux autres… Mais avant toute chose, il est primordial d’introduire la thérapie miroir et d’exposer les grands principes pour en tirer le meilleur profit.

Pourquoi une présentation est-elle essentielle ?

En effet, afin d’obtenir une bonne adhésion du patient au programme de thérapie miroir, nous pensons qu’il est important de prendre le temps de bien présenter la thérapie, son application et ses effets. Ceci est vrai globalement pour toutes les pathologies (AVC, douleurs chroniques ou du membre fantôme).

En effet, certaines situations peuvent paraître étranges, voir même anxiogènes pour le patient. C’est le cas par exemple :

  • pour un patient à qui il manque un membre, de voir à nouveau ce membre ;
  • pour un patient qui exclut une zone de son corps pour se prévenir de toute douleur de voir à nouveau bouger ce membre ;
  • pour un patient souffrant d’une hémiparésie plus ou moins prononcée de voir à nouveau un geste fluide et efficace sur son coté lésé.

L’objectif de cette introduction doit donc permettre de répondre aux questions légitimes que se posera le patient :

« Quelle pourrait être l’utilité de cette illusion sachant que je suis pleinement conscient de ma pathologie et des répercutions physiques et fonctionnelles ? »

« Pourquoi perdre mon temps sur cette illusion, sur ces enfantillages plutôt que travailler réellement sur une rééducation concrète » ?

Il est clair que la réponse n’est pas toujours simple à apporter pour le thérapeute, ni facile à comprendre pour le patient. C’est pourquoi il est important d’anticiper et de réfléchir à un discours, ainsi qu’aux éventuels supports de présentation. L’enjeu étant bien entendu de se focaliser sur les bases de la thérapie et de faire adhérer le patient.

Exemple de trame de présentation

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Proposition de thèmes à aborder lors de la présentation de la TM

La pathologie

Suite à un traumatisme, une affection […], le cerveau subit des phénomènes « maladaptatifs » sur lesquels il est nécessaire de travailler dans une prise en charge rééducative :

  • L’AVC détruit certains territoires cérébraux qui sont responsables de fonctions spécifiques. La rééducation doit permettre aux zones cérébrales adjacentes de suppléer la zone détruite afin de pallier aux déficiences acquises.
  • Le Syndrome Douloureux Régional Complexe induit une exclusion inconsciente de la zone douloureuse de la part du patient. Cette exclusion s’accompagne généralement d’une réduction voir d’un arrêt complet de la motricité. Cela a pour effet principal de restreindre la zone cérébrale s’y rapportant et de dégrader les voies de communication entre le cerveau et le membre.
  • Les douleurs fantômes naissent suite à une incohérence entre le système visuel qui ne voit plus le membre, et la persistance de ce même membre dans le cerveau. Cette aberration conduit à une dégradation de la zone cérébrale en charge du membre disparu et à la production d’un message d’alerte douloureux.

La plasticité cérébrale

Chaque fois que nous apprenons, nos circuits de neurones se modifient, s’arrangent et s’optimisent. C’est le cas lorsque nous sommes enfants et que nous apprenons à parler, marcher, écrire… Des connexions se créent et d’autres disparaissent. Ce processus adaptatif est encouragé par la répétition et permet progressivement de stabiliser de nouvelles habiletés pour un moindre coût attentionnel. Ce phénomène est appelé plasticité cérébrale et il est à la base de tous nos apprentissages.

Cependant, si le cerveau peut s’adapter et apprendre en réponse à une sollicitation, la diminution ou la disparition d’un stimulus peut provoquer une régression de cet apprentissage. Il est alors important de proposer des situations d’apprentissage, de réentrainement qui permettent de stimuler à nouveau le patient pour relancer la dynamique de plasticité cérébrale et ainsi développer une réponse adaptative positive.

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Phénomène de plasticité cérébrale

Les modalités de rééducation

La rééducation doit permettre de rééduquer aussi bien le membre lésé que la commande motrice qui s’y rapporte.

  • D’une part, il est possible de proposer une approche mécanique de mobilisation passive et de stimulation périphérique afin de maintenir des amplitudes articulaires et réduire les raideurs musculaires. Ces stimulations sensorielles se projettent sur le cerveau et permettent de maintenir une partie de la communication (voie ascendante) entre le membre et le cerveau.
  • D’autre part, il est souvent demandé aux patients de produire un effort moteur en fonction de ses possibilités et de sa pathologie. Cet effort moteur permet d’initier une commande motrice et de diriger son action vers un objectif particulier. Dans ce contexte, il est important de garder à l’esprit que ce travail est très couteux à la fois en termes de concentration et d’énergie pour le patient.
  • Enfin, une troisième approche, plus récente, propose de stimuler directement le central (le cerveau) afin d’encourager la production de l’intention motrice et de favoriser les mécanismes de plasticité cérébrale. C’est par exemple le cas de l’imagerie mentale et de la thérapie miroir. La communication se fait donc selon un schéma descendant en partant de la commande jusqu’à l’effecteur (les muscles).

Les grands principes de la thérapie miroir

La thérapie miroir est une forme d’imagerie mentale. L’imagerie mentale a acquis ses lettres de noblesses dans le domaine du sport où les athlètes répètent mentalement le geste idéal, se positionnent dans un état de performance idéal en vue d’une compétition. Et ça marche… Alors pourquoi ne pas considérer le patient comme un athlète qui cherche à repousser ses limites ? Le problème est que cette méthode de travail demande un apprentissage parfois long. Ce qui est contraire aux enjeux court terme de la rééducation. Par ailleurs, les patients peuvent avoir du mal à imaginer un geste parfait, ceci d’autant plus que le patient souffre de troubles moteurs et sensitifs.

La thérapie miroir offre une réponse dans le sens où elle met à disposition une image du mouvement idéal par le reflet dans le miroir du membre sain. La vue étant le sens dominant chez l’homme, se baser sur un retour visuel permet de fournir un support concret à l’image motrice que doit initier le patient. L’intérêt est donc double, fournir un support à l’initiation de la commande motrice et permettre de réintégrer un membre ou un mouvement dans le schéma corporel du patient.

Enfin, les derniers travaux en IRM fonctionnelle ont montré que les voies neuro-motrices recrutées lors de la vision d’un geste était largement superposables à celles recrutées lors de l’initiation et de la production d’un mouvement. La thérapie miroir permet donc, en plus d’un travail central (sollicitation cérébrale) et périphérique (production motrice), de produire un grand nombre de mouvements simplement par la vision du membre dans le miroir. Cette répétition mentale favorise les mécanismes d’apprentissage et donc de plasticité qui seront à la base de la rééducation, le tout sans une production trop importante de fatigue.

Les preuves cliniques

L’intérêt de la thérapie miroir a été démontré depuis la fin des années 90 avec les premiers travaux du Dr VS. Ramachandran. Depuis, les applications se sont développées et s’ouvrent aujourd’hui aussi bien sur le traitement des douleurs neurologiques que sur la récupération des capacités motrices. La dynamique des travaux de recherche sur le principe de la thérapie miroir, les recommandations de la HAS en France ou encore la synthèse de revue Cochrane attestent bien de l’impact positif de la thérapie miroir en complément d’une prise en charge classique en rééducation.

La présentation doit-être à la portée du patient

Les concepts que nous venons de parcourir ne seront pas simples à appréhender pour tous les patients. Aussi, l’utilisation de mots simples et d’exemples concrets rendra le message d’autant plus accessible à tous les patients.

Cet exercice de présentation nécessite donc une bonne préparation, avec par exemple des entraînements à vide. Il convient d’être suffisamment à l’aise pour dérouler son exposé, pour rassurer le patient, et être attentif à ses réactions. Cette présentation peut aboutir à un moment d’échange souvent utile pour éclaircir les points les plus sensibles.

En conclusion

Il nous semble donc essentiel de prendre le temps de présenter ces différents concepts au patient. Cela peut lui permettre de mieux comprendre les objectifs finaux de la thérapie miroir alors que ceux-ci peuvent lui paraître troubles au premier abord.

Il est essentiel de le rassurer et de l’intégrer à son propre programme de rééducation. Une rééducation sera toujours meilleure si le patient est pleinement investi dans celle-ci. Par ailleurs, lui montrer les effets bénéfiques permet de rajouter une part de motivation voire même un effet placebo qui pourraient faire la différence…

La clé reste la communication. Utilisez des mots simples, construisez des supports attractifs ou prenez des exemples concrets qui permettront de bien introduire la thérapie et d’engager des échanges.