Les fondamentaux de la thérapie miroir

Les origines de la thérapie miroir

La thérapie miroir a été développée en 1995 par le Dr Vilayanur Ramachandran, neuroscientifique connu pour ses travaux en neurologie comportementale et en psychophysique visuelle.

Cette méthode a été expérimentée auprès de patients amputés souffrant de douleurs fantômes (douleurs persistantes alors même que le membre n’existe plus).

L’objectif est de donner au cerveau l’illusion que le membre est toujours présent en renvoyant une image du membre controlatéral par l’intermédiaire d’un miroir. De nombreuses études, ainsi que la pratique, ont démontré l’efficacité de ce type de procédé pour le traitement des douleurs neuropathiques.

En 1999, les Dr Vilayanur  Ramachandran et Eric Lewin Altschuler ont étendu ce système à la prise en charge de patients souffrant de déficits moteurs du membre supérieur. Plus précisément, ils ont employé cette méthode pour la rééducation motrice de patients post-AVC. Ici, l’objectif visé n’est plus le traitement des sensations douloureuses mais l’amélioration de la commande motrice du membre parétique par l’image du membre sain.
Il est alors demandé au patient d’effectuer des tâches simples avec les deux membres en même temps, tandis qu’il peut observer le reflet de son membre sain dans le miroir. La concentration et la synchronisation entre la production du mouvement et l’imagerie mentale sont des éléments importants. La thérapie rétablit une cohérence entre les intentions motrices et les afférences visuelles. En effet, l’intention motrice doit correspondre avec le feedback visuel renvoyé par le membre sain dans le miroir.

La cohérence entre les afférences visuelles et proprioceptives, ainsi que la visualisation d’un mouvement « sain », permettent d’encourager la commande motrice sur le membre pathologique. Ce principe rééducatif se programme en complément d’une prise en charge rééducative traditionnelle.

La pratique des exercices peut varier de 10 à 30 minutes et il est intéressant de répéter les séances quotidiennement voire plusieurs fois par jour si cela est possible. Cependant, tous les patients ne peuvent adhérer à ce genre de thérapie. Ainsi, ceux qui souffrent de troubles de l’attention, de concentration auront du mal à investir cette méthode de rééducation.

Principes d’action

Description

La mise en place d’une séance de thérapie miroir se fait généralement en plaçant un miroir entre les membres du patient de façon à refléter l’image d’un membre en lieu et place du membre controlatéral. Le miroir doit être placé de sorte que le reflet du membre supplante le membre opposé. La vision de ce reflet induit des afférences visuelles nouvelles et parfois contradictoires aux afférences que le patient reçoit quotidiennement.

C’est ainsi que le patient visualise de nouveau un membre sain, aux capacités fonctionnelles normales, en lieu et place du membre manquant, douloureux ou pathologique. La thérapie miroir peut être employée aussi bien pour le membre supérieur que pour le membre inférieur.

Bases Neurophysiologiques

La thérapie miroir permet l’établissement d’une nouvelle conscience physique, motrice et sensorielle au niveau du membre disparu (amputation) ou du membre pathologique (déficiences sensori-motrices, syndrome douloureux). Se pose alors la question de la gestion de la double « existence » du membre : le membre dans son état réel et le membre perçu par le système visuel. Il a été montré que le système visuel domine les systèmes tactiles et proprioceptifs.

Ce paradigme est à la base des travaux sur la rééducation prismatique et autres modifications de l’environnement visuel. On a observé chez des sujets sains, en situation de leurre visuel, que l’atteinte d’un objet était perturbée lorsque la position de la main cachée par le miroir n’était pas en phase avec le reflet de la main controlatérale (Holmes and Spence, 2005; Kunz et al., 2010): les sujets développent un décalage par rapport à l’atteinte d’une cible d’autant plus important que le temps d’exposition à ce retour visuel biaisé est long et que le sujet est actif. Cela conforte donc le principe de capture visuelle qui indique la prédominance du système visuel sur le système proprioceptif.

À l’image de la modification des entrées proprioceptives en regard des informations visuelles, il a aussi été démontré que la vision pouvait induire des sensations tactiles fausses. Les travaux de Botvinick et Cohen (1998) consistent, chez des sujets sains, en l’application de stimuli (caresse, piqure…) au niveau d’une main cachée derrière un miroir et d’une troisième main en caoutchouc parallèle à la main cachée du patient. Les sujets réalisent alors un transfert des sensations tactiles de leur propre main à destination de la main en caoutchouc. Ces résultats soutiennent l’impact du système visuel par rapport aux autres entrées sensorielles. Mais surtout, ils démontrent l’incorporation de l’image du miroir dans le propre schéma corporel du sujet, à condition de la bonne mise en place du système (Jenkinson and Preston, 2015).

Neurones miroirs

La découverte des neurones miroirs a été faite par l’équipe de Rizzolatti et Gallese (1996) et expérimentée sur le singe. Elle a mis en évidence des similitudes entre l’activation de certains neurones moteurs lors de l’observation d’une tâche motrice réalisée par un expérimentateur, avec l’activation de neurones moteurs lors d’une tâche motrice réalisée par le singe lui-même. Il est alors possible de superposer en partie les neurones qui s’activent lors de la vision d’une tâche et la réalisation de cette même tâche. Il existe donc une congruence entre le codage de l’acte moteur par le neurone et l’activation de ce neurone par la visualisation de cet acte moteur. Il semble néanmoins que la finalité de l’acte moteur conditionne en partie l’activation des neurones moteurs chez le singe.

La mise en évidence du système des neurones miroirs chez l’homme a permis de montrer qu’ils étaient capables de coder aussi bien la finalité de  l’action que les aspects temporaux des mouvements exécutés (Gangitano et al., 2001). Le système miroir chez l’homme serait donc en mesure de construire dans le même temps une compréhension des actions et des intentions motrices. La visualisation d’un acte moteur entraîne la constitution d’une représentation mentale de cet acte de la part de l’observant dans le but de comprendre l’action et sa finalité. De plus, et contrairement au singe, l’homme est capable de reconnaître et de coder des actions mimées (faire semblant de boire une tasse de thé, taper dans un ballon…).

Les neurones miroirs sont donc une base importante pour l’apprentissage moteur et plus particulièrement dans le cas de l’apprentissage par imitation. Il est intéressant de se poser la question de l’utilisation d’un tel système dans le cadre de la rééducation, et notamment de la thérapie miroir: en quoi la visualisation d’un mouvement peut-elle avoir un effet rééducatif ?

Les neurones miroirs peuvent aider à la mise en place d’une imagerie motrice et d’une perception de son corps différente, dans le sens où la vision de l’acte moteur est intégrée par le patient. La thérapie miroir offre donc un support concret à la visualisation de l’acte moteur effectué par le coté sain en lieu et place du côté pathologique. Du fait de la prédominance des afférences du système visuel vis-à-vis des systèmes tactile ou proprioceptif, il est envisageable de penser que la thérapie miroir et la vision d’un acte moteur (d’autant plus s’il est vu et produit par le patient lui-même?) permettent un recalibrage/rééquilibrage des connections sensorimotrices, ainsi qu’un remaniement des phénomènes de plasticité cérébrale en cours sur le moyen terme (Bhasin et al., 2012; Faralli et al., 2013; Garrison et al., 2013; Iacoboni and Dapretto, 2006; Matthys et al., 2009; Nojima et al., 2012).

Bibliographie

Bhasin, A., Padma Srivastava, M.V., Kumaran, S.S., Bhatia, R., Mohanty, S., 2012. Neural interface of mirror therapy in chronic stroke patients: a functional magnetic resonance imaging study. Neurol. India 60, 570–576.

Botvinick, M., Cohen, J., 1998. Rubber hands “feel” touch that eyes see. Nature 391, 756.

Faralli, A., Bigoni, M., Mauro, A., Rossi, F., Carulli, D., 2013. Noninvasive strategies to promote functional recovery after stroke. Neural Plast. 2013, 854597.

Gallese, V., Fadiga, L., Fogassi, L., Rizzolatti, G., 1996. Action recognition in the premotor cortex. Brain J. Neurol. 119 ( Pt 2), 593–609.

Gangitano, M., Mottaghy, F.M., Pascual-Leone, A., 2001. Phase-specific modulation of cortical motor output during movement observation. Neuroreport 12, 1489–1492.

Garrison, K.A., Aziz-Zadeh, L., Wong, S.W., Liew, S.-L., Winstein, C.J., 2013. Modulating the motor system by action observation after stroke. Stroke J. Cereb. Circ. 44, 2247–2253.

Holmes, N.P., Spence, C., 2005. Visual bias of unseen hand position with a mirror: spatial and temporal factors. Exp. Brain Res. 166, 489–497.

Iacoboni, M., Dapretto, M., 2006. The mirror neuron system and the consequences of its dysfunction. Nat. Rev. Neurosci. 7, 942–951.

Jenkinson, P.M., Preston, C., 2015. New reflections on agency and body ownership: The moving rubber hand illusion in the mirror. Conscious. Cogn. 33, 432–442.

Kunz, B.R., Creem-Regehr, S.H., Thompson, W.B., 2010. Visual capture influences body-based indications of visual extent. Exp. Brain Res. 207, 259–268.

Matthys, K., Smits, M., Van der Geest, J.N., Van der Lugt, A., Seurinck, R., Stam, H.J., Selles, R.W., 2009. Mirror-induced visual illusion of hand movements: a functional magnetic resonance imaging study. Arch. Phys. Med. Rehabil. 90, 675–681.

Nojima, I., Mima, T., Koganemaru, S., Thabit, M.N., Fukuyama, H., Kawamata, T., 2012. Human motor plasticity induced by mirror visual feedback. J. Neurosci. Off. J. Soc. Neurosci. 32, 1293–1300.

Rizzolatti, G., Fadiga, L., Gallese, V., Fogassi, L., 1996. Premotor cortex and the recognition of motor actions. Brain Res. Cogn. Brain Res. 3, 131–141.