La Contrainte Induite (ou CIMT)

La contrainte induite a été développée aux Etats-Unis dans les années 90 afin de proposer une solution inverse à la non utilisation du bras parétique chez les personnes AVC. Le patient développe une réaction de « non-utilisation » de son bras parétique afin de pallier aux difficultés qu’il rencontre au quotidien. Il développe nombres de solutions compensatrices qui entravent grandement la capacité de récupération du bras.

Pour répondre à cette problématique, le thérapeute immobilise le bras sain pour favoriser l’utilisation du bras parétique dans les activités de la vie quotidienne. Cette thérapie propose une forme de réentrainement intensif et orienté vers le quotidien du patient sur des périodes de plusieurs jours afin d’améliorer la plasticité cérébrale et la récupération motrice du membre lésé.

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Mise en place de la contrainte induite

Il est cependant important de s’assurer des capacités fonctionnelles du patient avant la mise en place de cette thérapie. En effet, plusieurs études ont montré que la contrainte induite n’apportait aucun gain fonctionnelle au niveau du membre supérieur par rapport à une rééducation classique dans les premiers mois de l’AVC (phase subaigüe). Les équipes de Boake (2007), Hammer (2009) et Dromerick (2009) ont montré l’inutilité de la thérapie par contrainte par rapport à une thérapie classique dans les premiers mois suivant l’AVC. Il y est même question d’effets délétères lorsque la contrainte induite est trop importante au regard des capacités des patients (Dromerick et al., 2009).

Des nuances sont tout de même à apporter à ces résultats puisque l’on trouve d’autres études qui tendent à montrer le contraire. Dans sa revue de littérature, Nijland et al. (2011) pointent des variations entre les systèmes d’évaluations des capacités du patient, les différences d’applications (timing, intensité…) qui pourraient nuancer l’efficacité du traitement. Par exemple, Myint et al. (2008) ont montré un effet bénéfique post intervention et à 12 semaines de la contrainte induite sur les fonctions motrices du patient au stade subaiguë (2 à 16 semaines post-AVC). El-Helow et al. (2014) ont trouvé des résultats similaires à propos de l’utilisation de la contrainte induite (test Fugl-Meyer, Test ARAT).

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Exercice sous contrainte induite

A propos des données de la littérature sur l’utilisation de la contrainte induite sur les patients AVC en phase chronique, les auteurs semblent arriver à un consensus. En effet, la majorité des études s’accordent sur l’impact positif d’une telle méthode sur la récupération des fonctionnalités du membre supérieur et de la main. La première étude a montré de façon évidente l’intérêt d’une telle approche dans le cadre de la rééducation hémiplégique est celle de Taub et al. (1993). L’étude multicentrique EXCITE (Wolf et al., 2006, 2008) a comparé l’effet de 2 semaines de contraintes induites sur un total de 222 patients (post-AVC compris entre 3 et 9 mois). Les patients ayant suivi la thérapie par contrainte ont montré une évolution significative des capacités du membre supérieur avec des effets persistants à un an puis deux ans par rapport aux patients ayant subi une prise en charge conventionnelle.

La contrainte induite se présente davantage sous forme d’une méthode de travail que d’un outil spécifique. Il suffit d’immobiliser le bras sain du patient par un système d’écharpe ou par une « moufle ». Cela rend cette approche extrêmement intéressante d’un point de vue investissement/bénéfices patients.

 

  • Conclusion

La contrainte induite présente des résultats intéressants et en accord avec les principes de plasticité récemment mis à jour. Cependant, il est impossible d’utiliser ce genre de rééducation avec des patients dont la motricité du membre supérieur est faible ou inexistante. En effet, la contrainte induite met le patient face à ses restrictions et ses incapacités de façon directe. Il est par conséquent primordial que le patient présente un mouvement minimal du bras et de la main parétique afin d’interagir avec son environnement. De ce point de vue, avant de préconiser cette thérapie, il est nécessaire de s’assurer de l’état psychologique du patient, de ses capacités motrices et de son engagement dans le protocole.

D’un autre côté, la contrainte induite permet d’être en phase avec les recommandations de soins du patient AVC qui sont l’enchaînement et la répétition intensive de tâches orientées vers les activités de la vie quotidienne.

Cependant, la grande variabilité des protocoles et des conditions d’applications ne permet pas aujourd’hui d’en extraire des recommandations claires quant aux détails de sa mise en place sur le terrain (timing et dosage optimal d’application ?).

Enfin, un fort investissement est nécessaire au début du protocole de la part du thérapeute. Les études ont mis en place des séances de travail individualisées intensives pendant plusieurs heures et plusieurs fois par jour (5 à 6 heures par jour sur 2 à 3 semaines) afin de travailler un mouvement de base de préhension (ex : saisir une tasse) dans des conditions stables. Progressivement, la saisi de cet objet est soumis à des variations afin de favoriser les transferts aux activités de la vie quotidienne.

 

Bibliographie

Boake, C., Noser, E.A., Ro, T., Baraniuk, S., Gaber, M., Johnson, R., Salmeron, E.T., Tran, T.M., Lai, J.M., Taub, E., Moye, L.A., Grotta, J.C., Levin, H.S., 2007. Constraint-induced movement therapy during early stroke rehabilitation. Neurorehabil. Neural Repair 21, 14–24.

Dromerick, A.W., Lang, C.E., Birkenmeier, R.L., Wagner, J.M., Miller, J.P., Videen, T.O., Powers, W.J., Wolf, S.L., Edwards, D.F., 2009. Very Early Constraint-Induced Movement during Stroke Rehabilitation (VECTORS): A single-center RCT. Neurology 73, 195–201.

El-Helow, M.R., Zamzam, M.L., Fathalla, M.M., El-Badawy, M.A., El-Nahhas, N., El-Nabil, L.M., Awad, M.R., Von Wild, K., 2014. Efficacy of modified constraint induced movement therapy in acute stroke. Eur. J. Phys. Rehabil. Med.

Hammer, A.M., Lindmark, B., 2009. Effects of forced use on arm function in the subacute phase after stroke: a randomized, clinical pilot study. Phys. Ther. 89, 526–539.

Myint, J.M.W.W., Yuen, G.F.C., Yu, T.K.K., Kng, C.P.L., Wong, A.M.Y., Chow, K.K.C., Li, H.C.K., Chun Por Wong,  null, 2008. A study of constraint-induced movement therapy in subacute stroke patients in Hong Kong. Clin. Rehabil. 22, 112–124.

Nijland, R., Kwakkel, G., Bakers, J., van Wegen, E., 2011. Constraint-induced movement therapy for the upper paretic limb in acute or sub-acute stroke: a systematic review. Int. J. Stroke Off. J. Int. Stroke Soc. 6, 425–433.

Taub, E., Miller, N.E., Novack, T.A., Cook, E.W., Fleming, W.C., Nepomuceno, C.S., Connell, J.S., Crago, J.E., 1993. Technique to improve chronic motor deficit after stroke. Arch. Phys. Med. Rehabil. 74, 347–354.

Wolf, S.L., Winstein, C.J., Miller, J.P., Taub, E., Uswatte, G., Morris, D., Giuliani, C., Light, K.E., Nichols-Larsen, D., EXCITE Investigators, 2006. Effect of constraint-induced movement therapy on upper extremity function 3 to 9 months after stroke: the EXCITE randomized clinical trial. JAMA 296, 2095–2104.

Wolf, S.L., Winstein, C.J., Miller, J.P., Thompson, P.A., Taub, E., Uswatte, G., Morris, D., Blanton, S., Nichols-Larsen, D., Clark, P.C., 2008. Retention of upper limb function in stroke survivors who have received constraint-induced movement therapy: the EXCITE randomised trial. Lancet Neurol. 7, 33–40.

 

Crédits photo

Photo 4a: Mise en place de la contrainte induite; http://irr-nancy.fr/

Photo 4b: Exercice sous contrainte induite; http://www.maisondeskines.com/